Dans ce présent article, découvrez 3 stratégies de communication utilisées par M. Chateigner qui engendrent des conclusions erronées.
Pour connaître le contexte de cet article, je vous invite à lire l’article d’introduction au travail réalisé :
Première stratégie : prétendre qu’une analyse de l’impact de la méthanisation en « général » est possible pour aider au débat, et aider une assistance à porter un jugement.
Observations d’OPTIBIOM :
- La méthanisation dégrade la matière organique mis à disposition dans le digesteur. Selon la nature de ce qui est à l’entrée de l’unité de méthanisation, les caractérisques du digestat, c’est à dire de la matière organique digérée par les micro-organismes présents dans la nature, sont trés différentes, au même titre que le compostage de la matière organique donne des résultats différents selon le contenu des végétaux se trouvant dans l’andain composté. Par exemple la valeur azotée du digestat et le rapport C/N (carbone sur azote) sont trés différents, selon que l’on méthanise des boues de station d’épuration, des biodéchets, des cadavres d’animaux, ou une ration agricole constituée d’effluents d’élevage et de cultures. En agriculture, les caractéristiques du digestat ne seront absolument pas les mêmes si on méthanise un fumier de porc, ou un fumier de volaille, ou un fumier de bovin ou équin. Cela rend totalement cadupe la démarche de M. Chateigner qui indique par exemple que la fraction liquide du digestat « infertilise les sols car le rapport C/N est de 1 » . Pour illustration la valeur moyenne C/N, de la fraction liquide de digestat pour la quinzaine d’unités de méthanisation agricole que nous suivons, est supérieure à 3. En ne distinguant pas la nature des divers digestats, il est possible de prendre les valeurs les plus basses et de prétendre par exemple que le rapport C/N est égale à 1, tout en réalisant divers commentaires sur la méthanisation des effluents agricoles et des cultures principales ou intermédiaires (ce que fait M. Chateigner). Cette démarche engendre une association entre ce rapport C/N « infertile », et les unités agricoles alors qu’il n’en est rien. Les auditeurs pensent du coup que toutes les fractions liquides de digestat ont un rapport C/N de 1, voire inférieur à 1. Ainsi des institutions sérieuses telles que ARVALIS ou l’INRAE feraient, selon M. Chateigner, la promotion d’un process qui va amener à la faillite de l’agriculture française… Pour que la critique agronomique ait une pertinence, il est nécessaire de caractériser la ration annuelle alimentant le méthaniseur, par exemple en identifiant le C/N et la valeur azotée de celle-ci avant méthanisation, et comparer ensuite ces valeurs avec celles du digestat et des valeurs des engrais minéraux remplacés par l’usage du digestat en question. La comparaison est valide uniquement si vous réalisez la somme du carbone et de l’azote du digestat et des engrais minéraux substitués. L’analyse doit être réalisée sur le digestat brut avant séparation de phases, puis sur les phases liquides et solides, ce qu’évite M. Chateigner, car sinon son argumentation tomberait à l’eau.
- Dans le cadre d’un exposé général sérieux, d’autres impacts que l’impact agronomique peuvent être étudiés mais cela nécessite de travailler avec d’autres types de regroupement d’unités de méthanisation, qui n’ont rien à voir avec les regroupements précédents qui dépendaient de la nature de la ration. Par exemple, si on souhaite étudier l’impact économique sur une exploitation agricole, il faut regrouper les unités qui sont indépendantes en intrant, et sur leur plan d’épandage, et en investissement. Ce groupe peut être comparer avec des unités semi-collectives agricoles de moins de 10 exploitations indépendantes en investissement par exemple. La comparaison peut également se faire avec des unités où un tiers investisseurs est présent, etc…. Les conditions de l’approvisionnement, de l’épandage, de la structure capitaliste de la société porteuse du projet, vont engendrer des conclusions différentes sur le rendement financier pour les agriculteurs.
- Il en est de même si vous souhaitez étudier l’impact sur l’empreinte carbone. Dans ce cas il faut prendre en compte la localisation de l’installation de l’unité de méthanisation : à la ferme, ou en zone d’activités, et la dispersion géographique des points d’approvisionnement et des parcelles sur lesquelles l’épandage du digestat va être réalisé. Là également les conclusions seront différentes, et ne se recoupent pas avec les regroupements précédents, car l’empreinte carbone dépend des distances moyennes parcourues, et des économies d’engrais minéraux, et de la puissance de production.
- Les puissances moyennes de production ont également un impact général important sur les analyses, et mélanger dans une même critique les unités de méthanisation d’acteurs tels que Evergaz ou Engie, et les unités agricoles individuelles, semi-collectives ou collectives, n’est absolument pas pertinent.
- Tout mettre dans un même sac, permet de dire n’importe quoi, c’est à dire que l’orateur peut faire la démonstration de ce qu’il veut, en fonction de sa volonté de se faire valoir auprès d’auditeurs. C’est exactement ce que fait M. Chateigner qui s’adresse presque exclusivement à des publics non avertis.
Seconde stratégie : ne jamais comparer une situation initiale avant la mise en place d’une installation de méthanisation, et une situation finale après sa mise en place, ce qui permet de développer des scénarios n’ayant aucun ancrage avec la réalité.
Pour illustrer cette stratégie, voici 2 propos de M. Chateigner. L’un concerne le scénario de référence pour comparer la pertinence d’une unité de méthanisation. M. Chateigner indique que la référence doit être le retour au sol de la biomasse :
« Dans les publications scientifiques y compris, il n’y a jamais de comparaison avec un retour de la biomasse naturel au sol. On compare toujours par rapport à des choses qui ne sont pas bonnes, et quand on compare avec des choses pas bonnes avec la méthanisation, on peut en trouver qui sont pires bien entendu, et donc on peut valoriser la méthanisation. Et vous regarderez partout, c’est souvent comme cela. Ce que je dis à mes étudiants, c’est que l’on compare toujours par rapport au mieux, ce que l’on veut c’est aller vers le mieux. Et si on veut aller vers le mieux, c’est le retour de la biomasse au sol. Et nos ancêtres n’étaient pas débiles, ils savaient très bien que c’était intéressant de faire cela. Et cela reste bien d’autant plus que nos sols restent infertiles, c’est-à-dire qu’ils ont de moins en moins d’humus, de carbone dans les sols. »
Et l’autre concerne les fuites de méthane sur les unités de méthanisation « en général » :
« Nous avons-nous, un collègue au CSNM qui a regardé un peu tout, partout où il y a des fuites et qui a fait les bilans de gaz à effet de serre et qui voit que c’est 6 fois pire que d’utiliser du gaz naturel. Alors il y beaucoup de raison pour cela mais une des raisons principales c’est qu’il y a des fuites et qu’elles sont mesurées partout dans le monde, avec une moyenne de 4.8% du total produit. Et bien avec 4.8% du total produit vous avez déjà une méthanisation qui a une balance extraordinairement négative en gaz à effet de serre. Et tous les calculs peuvent être démontrer, c’est vraiment très très simple. »
Observations d’OPTIBIOM :
Avant l’usage des engrais minéraux, une partie des terres était allouée à des légumineuses alimentaires ou fourragères capables de fixer l’azote atmosphérique et donc de participer au renouvellement de la fertilité des systèmes agricoles.
Parallèlement à cela une autre partie des terres était également prise pour nourrir un nombre important de chevaux dont on valorisait le fumier par un retour au sol (rappel d’une histoire oubliée : nourrir des chevaux consistait à dédier une partie de la surface agricole à produire de l’énergie) :
- Une consommation de gaz fossile qui est la matière première pour la fabrication de ceux-ci (on utilise du méthane pour faire des engrais minéraux)
- Une consommation énergétique
- Une pollution atmosphérique (émission d’urée, d’azote, de NOx et de NH3)
- Une pollution de transport jusqu’aux exploitations agricoles
Prendre en compte ce scénario pour évaluer les impacts d’une unité de méthanisation agricole, ne revient pas comme l’indique M. Chateigner à comparer par rapport au « pire » (comparaison dont l’objet serait de démontrer l’opportunité d’une méthanisation agricole), mais on compare par rapport au « réel ». Il me semble important que les étudiants soient au courant de cela lorsqu’il écoute M. Chateigner.
Cette situation réelle, reflet de la pratique agricole actuelle, doit être comparée à la situation résultant de la création d’une unité de méthanisation, notamment agricole à la ferme qui permet :
- une substitution des engrais minéraux par la fraction liquide du digestat (et le rapport C/N n’est pas un problème car le C/N d’un engrais est nul puisqu’il n’y a pas de carbone organique)
- une économie d’énergie fossile de transport
- une équivalence d’émanation notamment parce qu’il y a de l’ammonium dans les engrais azoté (exemple YaraBela® EXTRAN® 33,5 = 16.7% d’Ammonium et 16.8% de Nitrate). On ne fertilisa pas plus une culture parce qu’on utilise du digestat plutôt que des engrais minéraux. Quelle que soit la stratégie de fertilisation, les besoins de la plante sont identiques.
Ceci change totalement la donne et M. Chateigner le sait parfaitement ce qui explique qu’il cache cette réalité à ses auditeurs.
Poursuivons maintenant concernant les fameuses fuites. Quel est le scénario de référence à prendre en compte ?
- L’association Carbone 4 qui n’est pas du tout une association pro-méthanisation, indique ceci dans un de ses articles : « Concernant l’impact climatique, le biométhane injecté permet d’émettre 80% moins de CO2 que le gaz naturel fossile en analyse de cycle de vie. » Biométhane et climat : font-ils bon ménage ?
- Voici en 2019 le nombre de méthanisation par pays en Europe, et le résultat de la surveillance satellitaire des émissions de méthane :
Avez vous l’impression que l’Allemagne et l’Italie soient de gros émetteurs de méthane, à cause de leur parc d’unités de méthanisation ?
- Selon la base carbone de l’ADEME, l’empreinte carbone amont du gaz fossile est de 38.2 gCO2/kWh PCI pour une empreinte liée à son usage de 201 gCO2/kWh PCI, sachant que nous sommes bien incapables d’évaluer réellement les fuites de méthane sur les gazoducs russes. Concernant l’empreinte carbone en amont du gaz fossile liée essentiellement aux fuites, n’hésitez pas à consulter cet article : importations de gaz naturel : tous les crus ne se valent pas. Sur les unités de méthanisation agricole, non seulement les « fuites » ne sont pas de la même ampleur, mais de plus l’usage du digestat en remplacement des engrais minéraux diminue l’usage des énergies fossiles nécessaire à leur production. Et l’usage du gaz renouvelable permet de faire chuter drastiquement l’empreinte carbone en remplaçant le gaz fossile. Selon la même base carbone de l’ADEME, les émissions amonts sont de 44.5 gCO2/kWh PCI pour le biométhane (et il n’y a pas d’empreinte carbone liée à l’usage), ce qui permet d’économiser 194.7 gCO2/kWh PCI à chaque fois que l’on consomme du biométhane au lieu du gaz fossile (et cela sans prendre en compte l’économie d’engrais minéraux).
En conclusion, l’information indiquant que « les bilans de gaz à effet de serre est 6 fois pire que d’utiliser du gaz naturel » est fausse.
D’ailleurs, le fait que ces fuites liées à la méthanisation sont « mesurées partout dans le monde » est également un mensonge. Pour l’instant nous mesurons l’ensemble des émissions de méthane quelles que soient leurs sources, et manifestement l’évolution de ces émissions n’est pas compatible avec notre volonté de maîtriser le réchauffement climatique. Voici les émissions en Septembre 2022 à comparer à celles de 2019 présentées ci-dessus (source comment les données des satellites peuvent nous aider à gérer les émissions de méthane):
Troisième stratégie : utiliser une base de données dont personne ne peut remettre en cause la pertinence des évènements enregistrés et la classification de ceux-ci.
Voici le propos de M. Chateigner concernant l’accidentologie des unités de méthanisation :
» Cela fait 5 ans que l’on suit l’accidentologie en France, et un peu ailleurs. Voilà ce qui en ressort. 514 accidents, que l’on voit monter ici.
La réalité c’est que, bien sûr vous avez le droit de dire qu’il y a plus de méthaniseurs et donc c’est normal, mais si vous pondérez par le nombre de méthaniseur, c’est ce que j’ai fait ici, avant jusqu’en 2014 vous aviez 5.7 accidents pour 1000 méthaniseurs chaque année, et depuis que les subventions ont été libérées, c’est-à-dire depuis 2015, vous avez 35,3 accidents par méthaniseur chaque année, c’est-à-dire que vous avez multiplié l’accidentologie par plus de 6.
Alors il faudra m’expliquer comment on prouve que la filière est mature avec ce genre de mesure. Cela se voit très bien lorsque l’on pondère, blablabla, soyons clair la filière n’est pas mature ou on fait n’importe quoi, et les risques sont pour les agriculteurs en priorité bien évidemment.
Il y a des tas d’accidents, des pollutions olfactives on en voit partout, c’est la première cause, des incendies, des fuites, des pollutions aquatiques vous soyez plus d’une et demi par mois, des rejets de diverses choses, des fuites de digestat, bref j’en passe et des meilleures.
Les plus gros producteurs sont les plus gros pollueurs, et les plus gros accidentogènes. Engie, certaines régies de station d’épuration, Total Energies, Evergaz, Véolia, Suez sont bien sûr là-dedans, et vous voyez que Engie représente à lui seul entre 9 et 10% d’accidentologie, et pourtant ils ont en principe de la main d’œuvre qualifiée.«
Obervations d’OPTIBIOM :
- La stratégie « il faut faire peur à la population », bat son plein, et avant de parcourir ce paragraphe, surtout parcourez cet article, et arretez vous au dernier paragraphe concernant les zones avec atmosphère explosive (ATEX). Cela vous permettra d’évaluer la pertinence du propos de M. Chateigner sur une information trés factuelle.
- Ce qui est trés interessant dans l’approche de M. Chateigner est de constater qu’il prend comme source d’information pour fonder sa critique une base de données sur laquelle nous n’avons aucun moyen de contrôle, bien qu’il existe une base de données trés bien documentée, la base de données ARIA : La référence du retour d’expérience sur accidents technologiques.
- La base ARIA à l’avantage de ne pas être partisane, il s’agit d’un relevé rigoureux de tous les accidents technologiques avec plus de 50 000 accidents et publications (60 767 évènements en Juillet 2024).
- Grâce à cette base il est posssible de réaliser des recherches fines, et surtout de contextualiser le nombre d’accidents ce qui permet à un public non averti de mieux appréhender les données.
- La recherche de détail se fait au travers de cet écran : recherche avancée sur la base de données ARIA.
- Voilà quelques résultats concernant l’accidentologie sur les unités de méthanisation, et sur des thèmes de prédilection utilisés par M. Chateigner pour générer des inquiétudes auprès de ses auditeurs (un résultat = un évènement dans la base de données) :
- « méthanisation ET explosion » : 20 résultats
- « station-service ET explosion » : 109 résultats. Avez vous une crainte à aller dans une station service ?
- « explosion » : 714 résultats. Avez vous une crainte à parcourir la France dans cet environnement « explosif » ?
- incendie ET méthanisation : 86 résultats
- secteur « activités agricoles » et incendie : 7 110 résultats. Avez vous une crainte à vivre entouré d’exploitation agricole, forestière et agroalimentaire ?
- « incendie » : 25 378 résultats. Avez vous une crainte à parcourir la France dans cet environnement « qui s’enflamme » ?
- « méthanisation » : 254 résultats donc 254 accidents relevés toute nature d’accident confondue
- secteur « activités agricoles » : 11 474 résultats, Avez vous une crainte à vivre entouré d’exploitation agricole, forestière et agroalimentaire ?
- 60 767 résultats. Avez vous une crainte à vivre et travailler dans ce contexte accidentogène en France ?
- Privation d’usages – eau potable, et digestat : 1 résultat
- Privation d’usages – eau potable, et lisier : 9 résultats
- Privation d’usages – eau potable, et activités agricoles, forestières et agroalimentaires : 66 résultats
- Privation d’usages – eau potable : 471 résultats, pour autant envisagez vous d’arreter toutes les activités concernées ?
- En décontextualisant les données, on peut toujours prétendre qu’il y a un fort danger lié à une activité mais n’oubliez pas qu’actuellement il y a plus de 11 000 unités de méthanisation en Allemagne, plus de 1700 unités en Italie, et il ne semble pas qu’il y ait une migration de leur population liée aux accidents technologiques qui seraient devenus incontrolables dans leur pays, ou que ces pays souffrent d’une diminution drastique de la durée de vie en bonne santé de leur population à cause de multiples pollutions engendrées par les unités de méthanisation. Ne nous laissons pas égarer par ceux qui n’acceptent pas les situations réelles observables chez nos voisins, car celles-ci ne servent pas leurs discours.
Voici le bilan des unités présentes en Europe en 2022 :
Cette liste n’est pas exhaustive, mais abordons maintenant les fausses informations communiquées par M. Châtaigner.
L’article est disponible via ce lien : les fausses informations véhiculées par M. Chateigner
Le 07 Juillet 2024,
M. Desjardin,
Ingénieur-Philosophe
Ingénieur Développeur de Projets Durables chez OPTIBIOM